Regard sur la santé mentale : "Empathie", plongée dans le monde fragile de la psychiatrie

Regard sur la santé mentale : "Empathie", plongée dans le monde fragile de la psychiatrie

Créée par Florence Longpré et interprétée notamment par Thomas Ngijol, la série "Empathie" nous plonge au cœur de l’Institut psychiatrique Mont-Royal, à Montréal, où Suzanne Bien-Aimé, ancienne criminologue devenue psychiatre, reprend son activité après deux années d’absence. Dès ses premiers instants dans ce nouvel environnement, le contraste est brutal : la fragilité personnelle de Suzanne, ses doutes, ses blessures – vient se heurter aux réalités cruelles et souvent ignorées de la maladie mentale. Lieux confinés, malaises physiques ou sociaux, moments de honte ordinaire introduisent une tension réaliste qui ne cède pas au sensationnalisme.


Personnages et casting : âmes marquées et rapports humains

Florence Longpré se met en jeu à la fois comme scénariste, créatrice et actrice principale, incarnant Suzanne avec une finesse mêlée d’authenticité. À ses côtés, Thomas Ngijol prête ses traits à Mortimer Vaillant, agent d’intervention, lui aussi marqué par la vie, apportant une présence qui tempère les vertiges psychiques par une humanité solide. Le reste du casting — patients, soignants, familles — participe à cette grande chorale de vies en marge et en lutte, parfois avec maladresse, parfois avec éclat. Ces trajectoires croisées révèlent des personnalités multiples : des patients dont les actes sont incompréhensibles, des soignants tiraillés entre devoir, empathie et limites personnelles.


Entre poésie et chaos : une mise en scène audacieuse de l’intérieur

Ce qui distingue "Empathie", c’est sa capacité à mêler réalisme brutal et poésie subtile. La série utilise des flashbacks pour explorer l’enfance des personnages, pour sonder l’origine de leurs blessures psychiques. Elle n’hésite pas aussi à faire surgir des danseurs en noir (chorégraphies) comme métaphore des pensées noires, un choix audacieux qui fascine autant qu’il dérange. Le ton oscille et c’est sa force entre humour noir, moments absurdes, pathos sans surenchère, et dialogues qui percent le vernis social. L’écriture est exigeante : elle expose les paradoxes, les contradictions, sans chercher à rendre le « bon » personnage idéal. Suzanne tombe, doute, pleure, mais continue. "Empathie" ne promet pas des résolutions faciles ; elle valorise le cheminement, le constat, la réparation partielle.


Résonances sociales : pourquoi Empathie bouscule notre regard sur la folie

La série a été largement saluée par la critique, tant pour son traitement sensible de la santé mentale que pour son ambition narrative. Elle a remporté le Prix du public à Séries Mania 2025. Des journaux comme "Courrier International" soulignent qu’on rit, on réfléchit, on pleure — une gamme d’émotions souvent absente des œuvres sur la psychiatrie. Le fait que le propos ne soit pas de diaboliser, mais de comprendre, d’humaniser, fait d’"Empathie" un acte politique : rappeler que les personnes touchées par des troubles mentaux restent des sujets de dignité, non des cas à part. Enfin, cette série vient à un moment où le débat social sur la santé mentale, la stigmatisation, l’accès aux soins, est plus que jamais nécessaire. "Empathie" contribue à ce débat non pas en moraliste, mais en narratrice de vies — avec toute l’imperfection et toute la beauté que cela implique.

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